Texte : Michel Mongeau (Techniques de Pêche, annuelle 1984)
La fameuse méthode de pêche au ver de nuit, instaurée au Québec par l’éditeur de ce magazine M. Denys Benoit, a rendu plusieurs lecteurs heureux ; celle-ci
les ayant transformés graduellement en pêcheurs fructueux. Toutefois, cette méthode gagnerait à être connue davantage par les pêcheurs de truite mouchetée.
Voyons ensemble comment procéder, du début à la fin de la saison, tout en tenant compte de certains facteurs importants.
La température de l’eau : un facteur-clé !
De plus en plus de pêcheurs réalisent l’importance de la température de l’eau pour
la localisation du poisson. Trouver la température idéale de la truite, c’est souvent
trouver la truite ! Curieusement, toutefois, la majorité des pêcheurs sont plus
conscients de ce phénomène sur la truite grise ou brune que sur la truite mouchetée. Ils ont tort !
En effet, chaque espèce de poisson recherche une température idéale (appelée zone de
confort) où elle se trouve la plupart du temps.
Contrairement à certaines espèces comme l’achigan, la truite mouchetée n’est pas
attachée à son repaire et préférera se déplacer aussi souvent que nécessaire plutôt que de
supporter une température stressante. De plus, la truite mouchetée requiert une eau
bien oxygénée et son aire de confort doit se situer le plus près possible des sites
de nourriture et d’un refuge sécuritaire à la fois. C’est cette recherche constante
de la truite pour trouver sa zone de confort qui doit emmener le pêcheur à adapter
son approche tout au long de la saison.
Il est impossible d’évaluer la température de l’eau en se basant sur la température
de l’air ou selon l’impression obtenue en trempant la main dans l’eau. La façon la plus sûre
d’estimer la température de l’eau s’obtient en utilisant un thermomètre (nous
verrons les détails un peu plus loin).
Il me faut ici vous parler de la « marge de tolérance », s’écartant largement de la
zone de confort et dont il faut parfois tenir compte dans des conditions extrême
(au tout début de la saison et durant la canicule). En effet, en début de saison,
(soit juste après le départ des glaces), la truite ne peut retrouver sa zone préférentielle
de confort. Elle doit alors se contenter de vivre encore pour quelques jours dans
des eaux de 3,9°C (39°F) ou moins (si le « turnover » n’est pas complété). La truite mouchetée
se trouve alors dans un état de léthargie avancée et se nourrira très peu. Fort
heureusement, cette situation ne dure pas longtemps, car après quelques jours de
soleil, la truite peut trouver une température fort convenable à son métabolisme en
se rapprochant des berges peu profondes.
L’été, la température de l’eau ne peut guère dépasser celle de la zone de confort de
la truite mouchetée à la grandeur du lac car elle ne subsisterait tout simplement pas!
Toutefois, la mouchetée n’hésitera pas à faire des incursions en eau peu profondes
pour pourchasser sa nourriture qu’il s’agisse d’insectes ou de poisson-fourrage. Elle
pourra s’aventurer ainsi dans des eaux dont la température dépasse même 21°C (70°F).
Sur ce, rappelons une fois pour toute la température préférentielle de la truite
mouchetée. Celle-ci doit être recherchée en fonction d’un écart raisonnable : il
est question d’une échelle variant entre 7° et 14°C (45° et 58°F) mais c’est entre
12,8° et 14°C (55° et 58°F) que la mouchetée sera le plus active. C’est d’ailleurs a ces
températures que j’ai capturé mes plus gros spécimens.
Une autre distinction fondamentale s’impose à ce stade-ci. Quand nous retrouvons un
écart de température important de la surface vers le fond d’un lac(c’est-à-dire en
été) sur un plan d’eau relativement profond, c’est la zone de confort de la truite
qui délimitera le niveau de son aire de repos. En d’autres termes, elle est alors
inactive. Toutefois, je suis d’avis - et j’en ai fait la preuve à maintes reprises - qu’elle
ne peut résister à un ver présenté selon la méthode préconisée souvent dans ce
magazine. Les prédateurs étant opportunistes de nature, dédaignent rarement un repas facile.
Quand la mouchetée sort de cette zone de confort, elle est généralement en chasse.
Aussi est-il utile de connaître la température préférentielle du poisson-fourrage.
Pour ceux qui sont sceptiques ou étonnés de cette affirmation, permettez-moi de
spécifier ici qu’il a été établi par plusieurs relevés stomacaux de la part de
biologistes que les truites mouchetée de 38 cm (15 po.) et plus se nourriront de
préférences de poisson-fourrage (quand il est disponible) plutôt que d’insectes.
C’est pourquoi, dans certains cas, il est important de localiser cette zone
productive.
Contrairement à la pêche à la mouche, où il est souvent préférable d’utiliser une
imitation la plus parfaite possible de l’éclosion du moment, la pêche à la « méthode » peut
vous permettre d’intéressantes captures dans les zones préférentielles du poisson-fourrage.
Probablement est-ce dû au fait que la truite convoitée étant plus grosse, elle est
plus opportunistes que sélective.
La « blanchaille » la plus recherchée par la truite mouchetée est généralement
constitué de cyprinidés et percidés (dont la perchaude). La température préférentielle
de ces poissons est plutôt élevée, dépassant souvent les 20°C (68°F). Comme la truite
ne peut s’y tenir longtemps, elle s’y rendra plus souvent sur de courtes périodes.
C’est pourquoi elle choisit d’y aller tôt le matin, en toute fin de journée quand
les rayons du soleil sont faibles. Plus souvent qu’autrement, ces zones se trouvent
près des rives. Durant les journée nuageuses, elle pourra y faire ds incursions
occasionnelles mais elles sont difficiles à prévoir.
Pour cette raison et étant donné le fait que la truite est en chasse surtout le
matin et le soir durant l’été, je préfère pêcher dans la zone de confort durant le
jour. La température préférentielle du poisson-fourrage demeure quand même plus
importante pour la grise que pour la mouchetée, celle-ci se tenant de toutes façons
dans des plus faible profondeurs.
En début de saison
On dit souvent que la pêche à la truite mouchetée est la plus productive au
printemps. La croyance populaire veut que dès qu’un lac « cale », il s’ensuit un
état d’euphorie chez Dame Truite, l’incitant à mordre frénétiquement. Or les excursions
hâtives moins productives. Comment pourrait-il en être autrement dans une température
aussi basse que 3,9°C (39°F) et même moins ? Nous sommes alors encore bien loin de
la température préférentielle de la mouchetée variant de 7°C à 14°C (48°F à 58°F).
Je ne veux pas dire qu’il est impossible d’en prendre mais ce n’est certainement pas
le meilleur temps pour faire une limite de truite de taille raisonnable ou de capturer
des truites trophées. Si cela arrive, on doit considérer ces performances comme des
cas isolés et non fréquents.
Histoire de réviser nos notions de limnologie, faisons un petit rappel. Vous vous
souvenez peut-être que nous ayons déjà dit qu’en hiver l’eau la plus froide est en
surface et la plus chaude au fond. Cette dégradation de température s’exprime en
allant de 0°C (32°F) (point de congélation) en surface à 3,9°C (39°F) ? Parce qu’à
cette température, l’eau est la plus dense et donc la plus lourde. C’est quand l’eau
de surface s’est réchauffée et atteint cette température qu’elle tend à descendre
au fond et le « turnover » se produit. Après coup, l’eau est homotherme sur la plus
grande surface du lac, c’est à dire à 3,9°C (39°F) de la surface jusqu’au fond.
Même si le réchauffement de surface se poursuit, la truite ne s’y précipitera pas
nécessairement à la grandeur du lac. Elle cherchera alors plutôt les berges peu
profondes ou l’eau se réchauffe encore plus vite et où elle est plus susceptible de
trouver de la nourriture.
Les meilleurs secteurs sont généralement les rives peu profondes avec un fond
rocheux ou légèrement vaseux. Toutefois, le vent peut aussi vous servir de guide
dans votre approche car il influence la température aux abords des rives. Avant le « turnover »,
le vent poussera l’eau froide de surface vers un côté du lac alors que l’autre se réchauffera
plus rapidement sous l’influence du soleil et du mouvement normal des eaux. Par contre,
après le « turnover », c’est l’eau plus chaude qui sera poussée vers les rives, ce
qui produit tout simplement l’effet inverse à celui précité. Rappelez-vous que la
truite peut se trouver alors dans quelques pouces d’eau seulement. Il m’est arrivé
à plusieurs reprises de voir les dorsales des grandes chasseresses alors que
j’arpentais avec précaution les abords des rives. Bien des pêcheurs et surtout des
moucheurs font alors l’erreur de leur lancer sur la tête ou tou près, ce qui a pour
effet de les faire fuir ! C’est pourquoi je préconise une approche très lente en
embarcation ou mieux encore de pêcher directement de la rive ou d‘un quai quand
cela est possible. Aussi, dans le but de faire une approche discrète, j’opterais
plutôt de faire précéder mon ver, à quelques 46cm (18po.), d’un plomb fendu seulement.
Si j’utilise un plomb fendu coulissant (marcheurs de fonds ou autres), il sera de
très petit format. Il va sans dire qu’il est préférable d’utiliser un monobrin de
faible résistance, 1,8kg (4lb), un diamètre réduit étant étant alors meilleur pour
une visibilité minimale. Je me permettrai d’utiliser un monobrin un peu plus gros,
2,7kg (6lb), dans les eaux plus foncées. Pour pouvoir pêcher avec un monobrin de
faible résistance, vous devez évidemment utiliser une canne longue à action lente.
Personnellement, ma préférence va pour la canne « Secret de la Pêche au Ver de Nuit »
que j’utilise plus tard dans la saison.
En été
La truite mouchetée se tiendra le plus souvent près des rives tant et aussi longtemps
que la température de l’eau n’aura pas dépassé sa zone de confort. Quand se réchauffement
se produit, il s’établit habituellement une résistance thermique telle qu’une véritable
« barrière » séparera les eaux froides du fond d’avec les eaux chaudes de surface.
C’est d’ailleur cette démarcation que l’on nomme thermocline. Dans ce cas, les fosses
varient entre 3 et 7 mètres (10 et 20 pieds) se trouvant près des rives autour d’un
lac ou aux abords des îles, sont des endroits à prospecter.
Toutefois, ce phénomène ne se produit pas nécessairement dans tous les lacs ou se
trouve la truite mouchetée, la thermocline ne se formant sur les lacs aux eaux
relativement profondes et de faible altitude ou latitude. En effet, si le lac où
vous pêchez se trouve en altitude il est bien possible que la zone de confort se
trouve près des rives toute la saison, les eaux n’ayant pas le temps de se réchauffer
suffisamment.
D’autres parts, il y a aussi des cas de lac peu profonds mais qui sont alimentés
par des sources d’eau froides ou par des tributaires aux eaux plus froides et
oxygénés. S’il est facile de localiser ces derniers, les sources sous-marines ne
pourront être découvertes qu’à l’aide d’un thermomètre. Celui qui se trouve de tel
endroits aura souvent droit à une pêche exceptionnelle car ces secteurs où se
concentre la truite en été sont généralement inconnus de la majorité des pêcheurs.
Seul un thermomètre peut vous révéler de tels secrets rapidement et efficacement.
Le thermomètre
Il existe deux principaux types de thermomètre: celui à immersion et celui à lecture
digitale. Si le premier a l’avantage d’être peu coûteux (quelques dollars seulement),
il est toutefois lent d’exécution, ne permettant pas d’obtenir une lecture rapide
et instantanée. Il faut en effet attendre quelques minutes pour attendre que l’eau
pénètre dans un tube doté d’un orifice contrôlé par une soupape. Il faut aussi sortir
l’instrument assez rapidement de l’eau pour pouvoir faire une lecture adéquate
lorsque l’eau de surface est plus chaude que l’eau plus profonde. Pour une lecture
aux abords des rives, il peut au moins vous dépanner et il est certainement plus
efficace que votre index !
Le thermomètre électronique dont le coût varie de 125$ à 200$ possède pour sa part
de nombreux avantages. Je me permettrai de parler ici d’un modèle Fisk Hawk pour
illustrer mes dires. Grâce à une sonde reliée par un fil à un cadran de lecture, la
température vous est communiqués instantanément par la simple pression d’un doigt
sur le commutateur.
Le fil est enroulé sur un moulinet possédant un « odomètre » et indiquant le nombre
de pieds de descente de la sonde et ainsi, la température de l’eau à la profondeur
où elle se trouve. Pour faciliter votre lecture, votre bateau doit être immobile ou
dériver très lentement afin que votre sonde soit bien perpendiculaire à l’embarcation.
Il est aussi suggéré d’attacher un plomb au bout de la sonde pour que celle-ci se
maintienne perpendiculairement plus facilement.
Il va sans dire que le thermomètre électronique possède l’avantage certain de faire
une prospection rapide, ce qui est souvent un atout dans la recherche d’un secteur
productif. Personnellement, je ne pêche pas tant que je n’ai pas découvert un secteur
où la température est idéale.
Le sonar
Oui, le sonar peut être utile à la pêche de la truite mouchetée. Dans des conditions
dites de début de saison, je suis par contre d’avis qu’il est difficile de se servir
de cet outil de travail, la truite se trouvant dans de très faibles profondeurs.
Le sonar donc est beaucoup plus utile en été (ou au tout début de saison) alors qu’il
permet de découvrir rapidement des fosses propices pour ensuite faire une lecture
avec votre thermomètre. Je n’élaborerai pas ici les différents types de sonar car
nous en avons souvent parlé en détails dans ce magazine. J’ajouterai simplement que
si un sonar à écran graphique ou cathodique vous permet une recherche plus rapide
(du moins aux endroits où la truite mouchetée est la seule espèce de poisson sportif
présent), un détecteur de fond fiable, de type clignotant, vous aidera au moins à
localiser les fosses rapidement. Je me permettrai à ce stade-ci d’ajouter une petite
mise en garde. Même si vous pêchez sur un très grand lac, la truite mouchetée ne se
réfugie que très rarement a de grandes profondeurs, se trouvant le plus fréquemment
en été entre 3 et 6 mètres (10 et 20 pieds), du moins durant la journée. Sa consoeur,
la truite grise, ne se plaira souvent que dans des profondeurs variant entre 12 et
18 mètres (40 et 60 pieds), mais encore une fois l a température préférentielle nous
permet de comprendre facilement ce phénomène, la grise cherchant des températures
allant de 5°C à 7,8°C (41°F à 46°F) (comparativement à 7°C et 14°C (45°F et 58°F)
pour la mouchetée)
En résumé
Si la température de l’eau en surface est froide( 7°C et 14°C (45°F et 58°F)), la
truite se trouvera près des rives en tout temps, à moins que le vent y pousse une
eau plus froide ou plus chaude.
Si la température de l’eau en surface est plus chaude (plus de 14°C(48°F)),la truite
ne se trouvera près des rives qu’en début de journée ou en fin de journée
(selon l’écart avec le 14°C (58°F)). Durant le jour, il sera préférable de présenter
votre ver plus en profondeur.
Si la température de l’eau de surface est glaciale (2,8°C (37°F)et moins), il est
souvent préférable de pêcher dans les fosses comme en été (l’eau du fond étant plus
chaude). Cette période est per contre très brève et dès que l’eau de surface
dépassera 7°C (39°F), il vaudra mieux présenter votre appât près des rives. Quand
l’eau ne dépasse pas beaucoup 7°C (39°F), les après-midi ensoleillées constituent
des périodes de pêche privilégiées
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